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Projet de taxation du e-liquide : analyse des enjeux et impacts potentiels

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Genèse de la proposition de taxation

L'idée d'instaurer une fiscalité spécifique aux e-liquides a émergé dans le cadre des discussions autour du projet de loi de finances pour 2025. C'est le député centriste Charles de Courson qui a déposé un amendement en ce sens le 14 septembre 2024.

Sa proposition vise à créer une nouvelle catégorie fiscale dédiée aux produits du vapotage, avec une accise fixée à 0,15 € par millilitre de liquide, qu'il contienne ou non de la nicotine. L'objectif affiché est double : générer de nouvelles recettes fiscales et aligner la France sur ses voisins européens qui ont déjà mis en place une telle taxation.

Le député justifie également cette mesure par la volonté de mieux suivre les volumes d'e-liquides commercialisés et les dynamiques de consommation. Il estime que l'impact sur les prix devrait rester "modéré" et permettre de préserver l'accès à la cigarette électronique.

Contenu détaillé de l'amendement

L'amendement n°I-CF1865 déposé par Charles de Courson propose d'ajouter plusieurs articles au code des impositions sur les biens et services. Les principaux points à retenir sont :

·         Une accise de 0,15 € par ml s'appliquerait à tous les liquides pour cigarette électronique, avec ou sans nicotine

·         Seraient concernés les dispositifs électroniques de vapotage et les flacons de recharge

·         La mesure entrerait en vigueur au 1er mars 2025 si elle était adoptée

·         Les recettes fiscales attendues sont estimées entre 150 et 200 millions d'euros par an

Concrètement, cela se traduirait par une augmentation de 1,50 € pour un flacon de 10 ml et de 7,50 € pour un flacon de 50 ml. L'impact serait donc loin d'être négligeable pour les consommateurs.

Arguments avancés en faveur de la taxation

Les partisans de cette nouvelle taxe mettent en avant plusieurs arguments pour la justifier :

·         Mettre fin à une "exception fiscale française" alors que 19 pays européens taxent déjà les e-liquides

·         Anticiper sur la future directive européenne qui prévoit la création d'une telle catégorie fiscale

·         Générer de nouvelles recettes pour l'État dans un contexte budgétaire tendu

·         Mieux contrôler le marché du vapotage et ses évolutions

·         Envoyer un signal sur les risques potentiels liés au vapotage, notamment pour les jeunes

Le député de Courson affirme également que le niveau de taxation proposé permettrait de préserver l'attractivité de la cigarette électronique par rapport au tabac classique.

Critiques et inquiétudes soulevées

La proposition de taxation suscite de vives réactions, notamment de la part des acteurs de la filière du vapotage. Les principales critiques portent sur :

·         Le risque d'une hausse significative des prix qui pourrait décourager les fumeurs de passer à la vape

·         Un avantage donné aux produits de l'industrie du tabac, moins impactés par la taxe

·         La menace sur la viabilité économique des fabricants et revendeurs indépendants

·         Un signal de dangerosité injustifié qui pourrait pousser des vapoteurs à revenir au tabac

·         L'apparition potentielle d'un marché noir avec des produits non contrôlés

La Fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape) dénonce notamment une mesure "contre-productive" d'un point de vue de santé publique.

Impact économique potentiel

L'instauration d'une telle taxe aurait des répercussions importantes sur l'ensemble de la filière du vapotage :

·         Hausse des prix de 25% à 38% selon les formats de flacons

·         Risque de disparition de certains conditionnements (100 ml, 200 ml) devenus trop chers

·         Menace sur la viabilité des petits fabricants et revendeurs indépendants

·         Avantage concurrentiel pour les produits de l'industrie du tabac (puffs, cartouches)

·         Frein à l'innovation et au développement de nouveaux produits

Certains craignent également un effet domino avec d'autres augmentations de taxes à l'avenir, comme cela a pu être observé pour le tabac.

Enjeux sanitaires et de santé publique

Au-delà de l'aspect économique, cette proposition soulève des questions cruciales en termes de santé publique :

·         Risque de retour à la cigarette pour certains vapoteurs face à la hausse des prix

·         Signal de dangerosité injustifié alors que la vape est reconnue comme aide au sevrage

·         Frein potentiel à l'adoption de la cigarette électronique par les fumeurs

·         Impact plus fort sur les populations défavorisées, plus touchées par le tabagisme

·         Menace sur les efforts de réduction des risques liés au tabac

Les défenseurs de la vape craignent que cette taxe ne vienne saper des années d'efforts pour promouvoir une alternative moins nocive au tabac fumé.

Comparaison avec les politiques européennes

La France n'est pas le seul pays à s'interroger sur la taxation des produits du vapotage. Un tour d'horizon européen montre des approches variées :

·         19 pays ont déjà mis en place une fiscalité spécifique

·         Les niveaux de taxation vont de 0,10 € à 1,04 € par ml selon les pays

·         Certains pays taxent uniquement les e-liquides nicotinés

·         D'autres ont opté pour une taxe ad valorem plutôt que volumétrique

L'exemple allemand, cité par les opposants à la taxe, montre les difficultés rencontrées suite à l'instauration d'une forte taxation (fermetures d'entreprises, marché noir).

Processus législatif et calendrier

L'amendement de Charles de Courson n'est qu'une première étape d'un long processus législatif :

1.    Examen par la Commission des finances de l'Assemblée nationale

2.    Discussion et vote en séance plénière à l'Assemblée

3.    Transmission au Sénat pour examen et vote

4.    Navette parlementaire en cas de désaccord entre les deux chambres

5.    Vote final et promulgation de la loi de finances

Le calendrier prévisionnel prévoit un vote à l'Assemblée mi-novembre, puis un examen au Sénat en décembre. La loi de finances devrait être promulguée au plus tard le 31 décembre 2024.

Mobilisation des acteurs du vapotage

Face à cette menace, la filière du vapotage se mobilise pour faire entendre sa voix :

·         Publication d'un communiqué de presse par la Fivape dès le lendemain du dépôt de l'amendement

·         Campagne d'information auprès des parlementaires sur les enjeux sanitaires et économiques

·         Mobilisation des vapoteurs via les réseaux sociaux et les forums spécialisés

·         Appel à contacter les députés pour les sensibiliser aux risques de la mesure

L'objectif est d'obtenir le rejet de l'amendement ou a minima son report pour permettre une concertation plus large.

Positions des différents partis politiques

Les réactions des groupes parlementaires à cette proposition sont contrastées :

·         La majorité présidentielle semble divisée sur le sujet

·         Les partis de gauche rejettent le projet de loi de finances dans son ensemble

·         Les Républicains demandent un débat spécifique sur la question du vapotage

·         Le Rassemblement National a exprimé son opposition à toute nouvelle taxe impactant le pouvoir d'achat

Le caractère "transpartisan" revendiqué par le député de Courson semble donc loin d'être acquis à ce stade.

Alternatives et pistes de réflexion

Face aux critiques, certains proposent des approches alternatives pour encadrer le marché du vapotage :

·         Taxation uniquement des e-liquides nicotinés

·         Mise en place d'une taxe ad valorem plutôt que volumétrique

·         Renforcement des contrôles sur la composition des e-liquides

·         Campagnes de prévention ciblées sur les jeunes non-fumeurs

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